Le changement climatique coûte à l’Afrique 7 à 15 milliards de dollars par an, d’après l’ONU. La COP 27 qui se tiendra du 7 au 18 novembre 2022, à Charm el-Cheikh doit donc être l’occasion aux leaders mondiaux de tenir leur promesse de financement et de joindre enfin, le geste à la parole.
Une profonde injustice climatique
L’Afrique est, de loin, le continent qui émet le moins de CO2 mais il est pourtant menacé comme les autres continents par les effets du changement climatique. Et il n’est absolument pas armé pour s’adapter à ces nouvelles conditions.
Sécheresses, réduction de la fertilité des sols, érosion côtière, inondations meurtrières et autres phénomènes climatiques extrêmes frappent durement les pays du continent. Et la situation risque d’empirer. En effet, les aléas liés au climat devraient s’intensifier à l’avenir, accentuant les vulnérabilités de ce continent telles que l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les conflits.
Par ailleurs, ces impacts sont exacerbés par la capacité d’adaptation au changement climatique limitée du continent. Et pour cause, l’intégration de la contrainte climatique dans les politiques de développement à un coût considérable. Des dépenses qui pèsent sur les économies fragiles de ces pays pauvres. Plusieurs pays africains attribuent déjà des ressources importantes destinées au développement pour faire face aux conséquences des évènements climatiques. Dans un rapport publié en février 2022 par le centre de réflexion Power Shift Africa, basé à Nairobi, les États africains consacrent jusqu’à 5% de leur PIB pour lutter contre les effets du changement climatique. En Éthiopie par exemple, c’est 5,6% du PIB du pays qui est alloué la lutte contre le changement climatique. Si rien n’est fait, le changement climatique menace d’annuler les gains de développement durement gagnés de l’Afrique.
Des sommes conséquentes quant on considère la situation économique du continent qui reste toujours précaire. Ce sont ainsi les pays les moins responsables qui sont confrontés à des risques plus importants et disposent de moins de moyens pour s’adapter. Une situation qui traduit l’injustice climatique profonde à laquelle est confrontée l’Afrique.
“Ce rapport montre la profonde injustice de l’urgence climatique”,
a déclaré Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa.
La question de l’aide des pays riches devrait être, une fois de plus, le sujet brûlant des négociations cruciales sur le climat prévues en Égypte en novembre (COP 27). Un sujet très controversé et source de colère des pays africains ces dernières années. En effet, les pays industrialisés, responsables du changement climatique, sont encore peu à l’écoute des pays pauvres qui paient pourtant le prix de leur développement économique. En 2009 à Copenhague, ils s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir les efforts des pays en développement contre les dérèglements climatiques. Onze ans plus tard, le compte n’y est toujours pas.
Tenir les promesses de financement
Un rapport publié en 2015 par le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estimait le coût de l’adaptation au changement climatique en Afrique à 50 milliards de dollars par an d’ici 2050. Des chiffres revus à la hausse depuis.
Une nouvelle étude publié le 21 septembre 2022, fustige les pays riches et dénonce les montants insuffisants des financements climatiques alloués à l’Afrique. Dans ce document qui cartographie les flux de financement du climat en Afrique, l’Organisation internationale de politique climatique, Climate Policy Initiative (CPI) estime que gouvernements africains ont besoin d’un montant de 277 milliards USD par an pour mettre en œuvre leurs objectifs de développement durable. Or en 2020, ce financement ne s’élevait qu’à 29,5 milliards de dollars, soit un déficit de 247,5 milliards de dollars par an et seulement 12 % des besoins.
La qualité des financements pose également problème, car la plupart d’entre eux sont fournis pour l’instant via des prêts plutôt que des subventions. Dans un nouveau rapport intitulé “Les financements climat en Afrique de l’Ouest”, l’organisation non gouvernementale (ONG) Oxfam critique l’aide des pays industrialisés qui tend à alourdir l’endettement des pays pauvres. L’étude, publié le 27 septembre 2022, intervient dans la série des rapports destinés à faire pression sur les pays riches pour qu’ils en fassent plus à l’approche des négociations mondiales sur le climat en Novembre 2022.
Selon cette étude, les deux tiers (62%) du financement fournis à l’Afrique de l’Ouest de 2013 à 2019 pour la lutte climatique étaient principalement des prêts qui devront être remboursés, la plupart avec des intérêts. Des procédés qui accentuent la charge financière et la vulnérabilité climatique des pays en développement qui croulent déjà sous les dettes. Le Niger a par exemple reçu jusqu’à 51% de financement climatique sous forme de prêts et de dettes. Il est pourtant en haut de la liste des pays les plus vulnérables face aux effets du changement climatique (voir liste ici).
Si les attentes des États africains n’ont eu que peu d’écho jusqu’à présent, il est absolument vital qu’elles soient entendues en 2022. Au delà des divergences politiques, ce sont les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes qui sont en jeu et risquent de se dégrader à cause des changements climatiques. Accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre, doubler les financements consacrés à l’adaptation au changement climatique et surtout compenser les dommages subis sont autant sont autant de sujets pour lesquels les pays africains attendent des actions concrètes de la part des pays riches.
Les dirigeants africains espèrent par ailleurs recueillir, à travers le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (PAAA), une capitalisation de 250 millions de dollars pour attirer des milliards de dollars d’investissements. Ce fonds lancé en avril 2021 par la Banque africaine de développement et du Centre mondial sur l’adaptation (GCA), a pour but de renforcer les projets d’adaptation et de résilience en Afrique par un accès direct aux financements. Un programme ambitieux qui ne semble pas particulièrement intéresser beaucoup de pays du Nord.
Rendez-vous est donc pris en novembre 2022 pour voir si ce nouvelle COP sera celle qui sortira finalement l’Afrique de l’injustice climatique.