COP29 : Trop peu, trop tard

25 Nov, 2024

« Cet accord est trop peu, arrive trop tard. » Ces mots, prononcés par Mohamed Adow, directeur du think tank sur le climat et l’énergie Power Shift Africa, à la conclusion de la COP29 à Bakou, le 23 novembre, illustrent parfaitement le sentiment général qui a dominé les négociations de cette conférence. Si le processus a été marqué par des heures de débats et de compromis difficiles, de nombreux observateurs estiment que les résultats obtenus sont loin d’être à la hauteur des enjeux climatiques mondiaux.

300 milliards de dollars par an : une promesse en demi-teinte

Près de 200 pays ont convenu de tripler le montant des financements destinés à aider les pays en développement à faire face à l’augmentation rapide des températures. Cet engagement, pris lors de la COP29, fixe un nouvel objectif de financement climatique à 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, dans le cadre du Nouvel Objectif Collectif Quantifié pour le Financement Climatique (NCQG). Bien que ce chiffre puisse sembler impressionnant, il reste insuffisant pour répondre aux besoins urgents des pays vulnérables.

Pour que les pays du Sud puissent véritablement réussir leur transition énergétique et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les experts estiment qu’au moins 1,3 trillion de dollars par an seraient nécessaires. L’écart entre les promesses faites et les besoins réels est abyssal. L’ampleur de la crise climatique exige des financements beaucoup plus ambitieux pour soutenir efficacement la résilience et l’adaptation dans les régions les plus touchées.

De nombreuses voix se sont élever contre cet accord, appelant les pays riches à honorer leurs engagements et à augmenter considérablement leurs contributions pour combler ce fossé. Fadhel Kaboub, membre du Groupe d’experts indépendants sur la transition juste et le développement, a déclaré : « Ce que le Nord propose n’est pas seulement une plaisanterie, c’est une insulte à toutes les délégations présentes à la COP29 et symbolise leur manque de sérieux face à la crise climatique. Les États-Unis et le reste du monde industrialisé peuvent faire bien plus pour payer la crise climatique qu’ils ont eux-mêmes créée. »

Des propos qui résument la déception des pays du Sud face à des promesses qui, pour beaucoup, ne feront que perpétuer l’injustice climatique et resteront insuffisantes face à l’urgence sur le terrain.

Un financement mal orienté

Plus préoccupant encore, la somme annoncée pourrait être majoritairement octroyée sous forme de prêts plutôt que de dons. Pour les pays vulnérables, déjà pris dans une spirale d’endettement, cette approche risque d’aggraver leur situation économique et de les rendre encore plus dépendants des marchés financiers internationaux. Ces prêts, loin de résoudre durablement la crise, risquent d’exacerber les difficultés, limitant l’accès aux financements pour ceux qui en ont le plus besoin.

Même lorsque les financements sont disponibles, des lenteurs bureaucratiques entravent souvent leur distribution. Les pays en développement dénoncent régulièrement la complexité et la lenteur des processus d’accès aux fonds climatiques auprès d’institutions telles que la Banque mondiale. Cette inertie administrative freine leur capacité à répondre efficacement à des crises climatiques toujours plus pressantes. Ces obstacles conjugués compromettent l’efficacité des financements climatiques et accentuent la marginalisation des populations qui en ont le plus besoin.

 Le texte prévoit que la contribution des pays riches provienne de leurs fonds publics, complétés par des investissements privés qu’ils mobilisent ou garantissent, ou par des « sources alternatives », ce qui signifie d’éventuelles taxes mondiales sur le transport ou l’aviation. Mais la mobilisation des capitaux privés reste un défi majeur. Selon le think tank ODI, chaque dollar de financement public ne génère que 0,37 $ de financement privé dans les pays à faible revenu, là où les besoins sont les plus pressants. Une telle situation remet sérieusement en question la faisabilité de l’objectif financier fixé.

Pour combler cet écart, il est impératif de repenser les mécanismes d’incitation. Cela pourrait inclure une augmentation significative des dons, le renforcement des garanties pour sécuriser les investissements ou encore la mise en place de fonds spécifiques, notamment pour l’Afrique. Sans ces mesures ambitieuses, l’implication du secteur privé restera trop limitée, rendant pratiquement impossible une réponse efficace aux défis climatiques mondiaux.

Responsabilités partagées, mais déséquilibrées

Les tensions autour de la responsabilité partagée de la finance climatique ont marqué les négociations de la COP29. L’Europe et les États-Unis, ont plaidé pour élargir la liste des contributeurs financiers au-delà des nations historiquement responsables des émissions. Ils estiment que des pays comme la Chine, Singapour ou les États du Golfe, désormais riches et influents, doivent assumer une part plus importante de l’effort climatique.

Cependant, la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre et deuxième économie du globe, a opposé une résistance ferme. Classée comme pays en développement depuis la signature de la Convention-cadre des Nations unies en 1992, elle refuse tout changement à cette classification, qu’elle considère comme une ligne rouge. Dans l’accord de Bakou, Pékin n’a aucune obligation financière : elle est simplement « invitée », comme tous les pays non développés, à contribuer de manière volontaire.

Ce manque de pression juridique se reflète dans la faiblesse du langage de l’accord de la COP29. Dans des textes où chaque mot a son importance, des termes comme ‘encourage‘ ou ‘invite‘ n’ont pas le poids nécessaire pour inciter les pays riches à agir de manière urgente et décisive. Ces expressions, trop vagues, diluent l’urgence et la gravité de la crise climatique. Les prochaines négociations doivent impérativement intégrer des clauses plus fortes et contraignantes, avec des objectifs précis et des échéances claires, afin de garantir une réponse réelle aux défis climatiques.

Le marché du carbone : une avancée controversée

Après près d’une décennie de discussions, la COP29 a aussi marqué un tournant avec l’adoption des règles des Articles 6.2 et 6.4 visant à structurer le marché du carbone. Le premier établit un cadre pour les transferts de crédits d’émissions entre pays, permettant à une nation d’acheter des réductions d’émissions réalisées ailleurs pour atteindre ses propres objectifs climatiques. L’Article 6.4, quant à lui, introduit un mécanisme global pour générer ces crédits via des projets spécifiques, comme la reforestation ou les investissements dans les énergies renouvelables.

Si ces avancées offrent de nouvelles solutions pour lutter contre le changement climatique, elles soulèvent aussi des inquiétudes sur leur efficacité réelle. Ces mécanismes ne risquent-ils pas de devenir des instruments de greenwashing, permettant à certains acteurs de se donner bonne conscience sans réduire réellement leurs émissions ? Sans une gouvernance stricte et transparente, le marché du carbone pourrait bien se transformer en un système où les bénéfices environnementaux restent purement théoriques. Une vigilance constante sera donc indispensable pour garantir leur efficacité réelle.

Une COP qui laisse un goût amer

La COP29, surnommée « COPFinance » en raison de ses promesses ambitieuses en matière de financement climatique, n’aura finalement pas tenu ses engagements. Malgré quelques avancées symboliques, la conférence des Nations Unies illustre une fois de plus le décalage entre l’urgence climatique et la lenteur des engagements internationaux. Les promesses de financement, bien qu’importantes sur le papier, restent largement insuffisantes et mal orientées, tandis que les déséquilibres dans la répartition des responsabilités continuent de freiner une action collective efficace.

Face à une crise mondiale qui s’aggrave, il est impératif de dépasser les discours et de s’engager dans des actions concrètes, ambitieuses et équitables. Sans des mécanismes financiers adaptés, des engagements contraignants et une solidarité réelle entre le Nord et le Sud, les COP risquent de se transformer en simples exercices de communication, vidés de leur substance. La lutte contre le changement climatique ne peut attendre : chaque décision différée alourdit la facture pour les générations futures.

Par Amina Idan Paul

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