Vers un accord international contre le plastique ?

Pandémie de Covid-19, contexte politique actuel…les négociations en perspective de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement n’ont pas fait grand bruit sur la scène internationale. Des pourparlers qui pourraient, pourtant, donner naissance à un traité international sur le plastique..

Des négociations capitales qui n’ont pas fait grand bruit..

 

Le vendredi 25 février 2022, marquait la dernière journée de négociations officielles, en vue de la reprise de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE), qui se tiendra à Nairobi, au Kenya du 28 Février au 02 Mars 2022.

Créée en 1972 dans le but de coordonner les actions des membres de l’Organisation des Nations Unies en matière de protection de la nature et de développement durable, l’UNEA apparaît, aujourd’hui, comme la principale autorité mondiale en matière d’environnement et rassemblant les 193 États Membres de l’ONU, des organisations de la société civile, des ONG, des entreprises et d’autres parties prenantes.

Très attendues, les discussions sous le thème « Renforcer les actions pour la nature afin d’atteindre les objectifs de développement durable » ont portées sur des questions capitales, telles que la pollution plastique, la récupération verte et l’économie circulaire ou la gestion des déchets chimiques.

A la fin des négociations qui auront duré 5 jours, un bon nombre de résolutions ont été soumises pour examen par les différents États Membres à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (ANUE). Tous les États Membres participants discuteront et finiront par adopter ou rejeter ces projets de résolution lors de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE) qui s’ouvrira Lundi à Nairobi.

Vers un traité international contre le plastique ?

 

Lors des pourparlers, plusieurs textes ont été déposés en vue d’un traité international sur le plastique lors de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement. Un tel accord serait historique et pourrait représenter la plus grande avancée sur la plastique à l’échelle planétaire. Mais le temps presse. Rappelons que la production mondiale de plastiques a été estimée à 367 millions de tonnes en 2020. 8 millions de tonnes de ces déchets se répandent chaque année dans tous les océans et finissent par polluer les écosystèmes marins chaque année selon la Fondation Ellen MacArthur.

Tous les yeux seront donc rivés sur Nairobi, durant la prochaine semaine dans l’espoir que les Etats membres participants, trouvent un consensus sur le sujet brûlant du plastique.

La cinquième Assemblée des Nations unies pour l’environnement sera suivie d’une session spéciale, appelée UNEP 50, qui se tiendra les 3 et 4 mars 2022, pour commémorer le 50e anniversaire de la création du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). L’occasion de renouveler les engagements en s’appuyant sur les résultats obtenus dans le passé. Un sommet crucial à suivre.

Djibouti : les dangers liés aux déchets urbains

Dans une société où tout se jette, les déchets urbains sont un enjeu qui touche à la santé des individus, à leur bien-être mais aussi à l’environnement. Quels dangers potentiels représentent-ils ? Sur l’environnement, sur notre santé ?

Tous les jours, on génère de grandes quantités de déchets : nourritures, sacs en plastique, papiers, vieux téléviseurs, vieilles voitures, batteries, déchets sanitaires, déchets industriels…la liste est très longue. La gestion des ordures ménagères est ainsi devenu un problème universel qui concerne toutes les grandes villes de la planète.

La gestion des déchets ménagers pose également un sérieux problème à Djibouti. Dans certains endroits, les ordures ménagères sont jetées à même le sol et s’amoncèlent aux coins de rue, ce qui ne facilite pas les opérations de chargement et contribue pour une part à l’insalubrité généralisée des quartiers. Une pollution qui au-delà de la capitale, a fait son chemin même dans les zones les plus reculées du pays.

 

Pourquoi une telle situation à Djibouti ?

 

Plusieurs causes sont en cause, notamment un taux de couverture d’assainissement insuffisant. En effet, le système de collecte est actuellement assuré par le service de propreté de la ville de Djibouti qui effectue les opérations de collecte des ordures ménagères dans les différents quartiers de la ville. Ces déchets sont ensuite acheminés au centre d’enfouissement technique (CET) situé dans la banlieue de Douda. Le problème est que la fréquence et le taux de collecte restent insuffisants dans beaucoup de quartiers, obligeant certains citoyens à jeter les déchets dans les voies publiques ou dans les caniveaux.

La croissance élevée de la population (à +2,8% en 2017) qui se traduit par l’accroissement de la taille des villes, explique également aussi la problématique des déchets ménagers urbains. Cet accroissement urbain mais aussi l’afflux de réfugiés, suite aux grands bouleversements régionaux, entraînent une occupation anarchique de sites non lotis et l’apparition des nouveaux quartiers sans infrastructures adéquates.

Un dernier point important concerne le manque de sensibilisation des populations quant à la gestion des ordures urbaines. En effet, une grande majorité des djiboutiens n’a pas été éduquée à la gestion des déchets et participe activement à la pollution de la ville. Il est normal, pour la plupart d’entre eux, de jeter leurs déchets dans la nature. Ils ne se rendent pas compte de l’impact de ces gestes anodins sur l’environnement et sur leur santé. Par ailleurs, il arrive que malgré les nettoyages de certaines zones par les services de la voirie, les comportements sociaux perdurent, et les déchets s’entassent de nouveau rapidement. Changer les mentalités et les comportements des djiboutiens est donc une réelle urgence.

Cette situation engendre des nuisances importantes pour les habitants avec des conséquences néfastes sur leur santé, sur l’environnement et sur les ressources naturelles.

L’impact des déchets sur..

 

  • L’environnement

     

En plus de la pollution visuelle et olfactive, la mauvaise gestion des déchets affecte directement de nombreux écosystèmes et de nombreuses espèces. Ces déchets peuvent être également la source de plusieurs types de pollutions.

Pollution du sol : Les déchets qui ne sont pas collectés de manière adéquate se retrouvent dans la nature. Lorsqu’ils se décomposent, leurs composants (particules de plastique, certaines molécules, etc.) sont libérés et polluent l’environnement. Souvent, la forte interaction entre le sol et les produits toxiques et germes pathogènes issus des déchets ménagers, conduisent à une altération drastique des propriétés du sol.

Ces composants persistent pendant des périodes plus ou moins longues dans la nature. Il convient de noter que la durée de vie d’une canette en métal est de 100 à 500 ans contre 450 ans pour un sac en plastique.

Pollution de l’eau : Les infiltrations qui ont pour origine essentiellement le ruissellement des eaux de pluie, peuvent entraîner vers les sous sols des déchets tels que les piles, les huiles de vidange ou les acides de batteries. Ces produits chimiques hautement toxiques s’infiltrent alors dans les sols et peuvent rejoindre les nappes phréatiques, polluant ainsi la ressource en eau. A savoir que les rejets humains sont la première cause de pollution de l’eau douce.

Pollution atmosphérique : Une fois jetés à la poubelle puis collectés par les services de gestion des ordures, nos déchets seront acheminés dans des centres de stockage, ou décharges. Leur dégradation libère du méthane qui est après le dioxyde de carbone, le deuxième gaz qui contribue le plus au changement climatique. Lors de la dernière COP qui s’est tenue à Glasgow, ce gaz hautement toxique était au centre des discussions. Une centaine de pays s’étaient alors engagés à réduire leurs émissions de méthane de 30% d’ici 2030 par rapport à 2020.

  • La santé

     

Par ailleurs, on assiste à l’incinération de déchets à ciel ouvert un peu partout dans Djibouti-ville et dans les banlieues.  Or, cette pratique entraîne des risques pour la santé pour ceux qui sont exposés directement à la fumée. En effet, le brûlage de déchets à ciel ouvert – y compris des matériaux en apparence inoffensifs comme le papier, le carton, les résidus verts, et les matériaux de construction – libère un mélange dangereux de composés cancérigènes et d’autres substances toxiques lorsque ces matériaux sont brûlés à ciel ouvert.

Les personnes ayant un système respiratoire sensible, ainsi que les enfants et les personnes âgées sont les plus susceptibles d’être affectées. Voici un éventail des polluants issus des émissions de dioxines et de furanes dans l’environnement auxquels nous pouvons être exposés à Djibouti et leurs risques éventuels pour la santé :

Zeta Corp, la startup qui veut en finir avec les déchets à Djibouti

Dans une société où tout se jette, le problème des déchets prend de plus en plus de place. Ces ordures polluent considérablement nos écosystèmes et peuvent même, dans certains cas, être une menace pour notre santé. Mais face à ce constat, un jeune entrepreneur djiboutien pourrait avoir trouvé la solution à ce problème pour Djibouti.

 

Une machine qui transforme les déchets en cendres

Finaliste de la première édition du concours d’entrepreneuriat D-Startup organisé par le Fonds Souverain de Djibouti, Abdillahi Ahmed est un jeune entrepreneur djiboutien déterminé, prometteur et rempli d’ambitions. A tout juste 25 ans, il a déjà fondé sa startup Zeta Corp avec une idée bien en tête : celle de révolutionner le traitement des déchets à Djibouti. Pour y parvenir, il compte sur une drôle de machine baptisée ASHER qui promet de réduire les déchets solides en cendres sans les brûler.

« Les déchets ont longtemps été un problème à Djibouti mais aussi en Afrique. Nous brûlons et jetons nos déchets un peu partout. Je veux offrir une alternative à ce problème avec le ASHER » dit-il.

Comment fonctionne-t-il ?

Le ASHER est un petit appareil de 6 mètres de haut qui peut réduire la plupart des déchets solides en cendres, à l’exception du verre et des métaux. En quoi alors cet appareil est-il différent d’un incinérateur lambda puisqu’il y’a production de cendres et donc combustion ? Pour répondre à cette question, il a fallu nous replonger dans nos livres de chimie.

Lorsque les déchets sont mis dans l’Asher, ils finissent dans la chambre de dégradation thermique. Sous la chaleur extrême de la chambre (jusqu’à 1000°C), ils se décomposent via le processus de pyrolyse. Pour rappel, la pyrolyse c’est lorsqu’une substance se décompose sous l’action de la chaleur et sans autres réactifs.

La chaleur générée par le processus est maintenue uniquement à l’intérieur de la chambre. Ainsi, plus la machine fonctionne longtemps, plus la température interne sera élevée. Ce n’est donc pas une combustion mais une décomposition chimique qui détruit les déchets dans l’ASHER. Il en résulte alors des cendres et de petites quantités de gaz. Des cendres qui mélangées à de la sciure de bois peuvent devenir de l’engrais organique, nous a expliqué Abdillahi. Elles sont non dangereuses et conformes aux normes de l’Agence américaine de protection de l’environnement, a-t-il ajouté. Si celles-ci ne peuvent pas être transformées en fertilisant à cause de la nature des déchets traités (par exemple : les couches, les plastiques), les cendres peuvent être utilisées à d’autres fins, comme pour la fabrication de pavés destinés à l’aménagement paysager. Un moyen de valoriser le contenu de nos poubelles.

La machine produit 4 % de son poids d’origine sous forme de cendres donc pour 1000 kg de déchets, nous n’obtiendrons que 40 kg de cendres. Les 5 à 6 % restants sont des déchets non gérables, qui comprennent les déchets métalliques, céramiques et de béton.

Le ASHER nous vient tout droit de Malaisie et a été mis au point par Roland TEE. En 2010, à la retraite après toute une vie à travailler dans l’industrie de l’eau, ce sexagénaire malais, a décidé d’apporter une solution à la problématique de traitements des déchets dans dans sa ville. Après des dizaines de prototypes, il met alors au point le ASHER.

C’est en 2019, alors étudiant en Business Management que dans ce pays, que Abdillahi fait la connaissance de Roland TEE et de son associé Pang. Une belle rencontre qui a débouché deux années plus tard sur un partenariat prometteur, car Zeta Corp est aujourd’hui le référent exclusif de la marque en Afrique.

Abdillahi Ahmed le pdg de Zeta Corp en compagnie de Roland TEE, le créateur de l’ASHER

Une machine respectueuse de l’environnement ?

 

Des gaz inoffensifs

A Djibouti, on produit par jour, 300 tonnes de déchets organiques et inorganiques qui finissent en grande majorité au centre d’enfouissement de Douda. Mais au niveau mondial, l’incinération reste le mode majeur de traitement des déchets. Une pratique toujours controversée car accusée de diffuser des substances polluantes dans l’environnement avec des effets néfastes sur la santé humaine.

Contrairement aux incinérateurs, l’ASHER promet un procédé respectueux de l’environnement. D’après l’inventeur malais, les gaz produits à l’issue du processus de pyrolyse sont neutres et inoffensifs. Pour cause, la machine possède un système de filtration de l’eau pour empêcher les émissions toxiques résultant de ce processus, d’être rejetés dans l’atmosphère. Le ASHER dispose à ce jour de plusieurs rapports d’essais d’organismes de vérification qui attestent de la sûreté de l’appareil pour la santé et l’environnement.

Aucune énergie pour fonctionner

L’autre avantage nous a précisé Abdillahi est que comparé aux qui utilisent du carburant comme le diesel pour brûler les déchets, le ASHER n’a besoin d’aucune énergie à l’exception d’un petit feu pour démarrer. La chaleur créée est alors stockée dans les parois de l’appareil, faisant monter la température à l’intérieur et créant l’effet pyrolyse qui réduit en cendres les ordures. La décomposition des matières libère encore plus de chaleur, qui stockée de nouveau dans les murs, augmente la température dans l’appareil…un cycle se met en place. Tant que la machine est alimentée en déchets, elle continue alors de fonctionner sans électricité, ni gaz, ni carburant.

Pour les besoins primaires (ventilateur, tableau d’affichage), l’électricité produite à partir des panneaux solaires intégrés est plus que suffisante, ce qui permet au Asher de continuer à fonctionner même sous la pluie ou de faible ensoleillement.

Dresser un mur contre les pollutions

Nous produisons actuellement dans le monde en moyenne 2 Milliards de tonnes de déchets par an. Une production sans cesse plus importante avec des impacts sur notre environnement et notre santé. Djibouti n’échappe pas à la règle. Des centaines de milliers de tonnes d’ordures ménagères y sont produites par an. Des déchets qu’il importe de collecter, de transporter, de stocker et de traiter.

Là où la machine de Zeta Corp est intéressante, c’est qu’elle est mobile.

« Le ASHER va là où il y’a les déchets, c’est un gain de temps et d’argent » nous explique Abdillahi, le dirigeant de Zeta Corp. Sa fonction portative permettrait donc à la machine d’être disposée un peu partout : aux environs des marchés, des villes, dans les zones rurales, les terrains difficiles, les parcs nationaux. Placée près des décharges, elle éviterait les incinérations à ciel ouvert de déchets, responsables de pollution atmosphérique.

Et bien évidemment lorsqu’on parle de déchets, impossible de ne pas mentionner la pollution plastique qui empoisonne la planète toute entière. A Djibouti, les sacs plastiques sont monnaie courante et se retrouvent facilement jetés dans la nature ou dispersés à chaque coin de rue. Bouteilles , plastique, caoutchouc, tubes et pneus, déchets mixtes, le ASHER est capable de traiter la plupart des déchets tout en étant respectueux de l’environnement. Un bon moyen pour réduire la pollution plastique générée dans le pays. C’est le défi que Abdillahi Ahmed et sa jeune startup Zeta Corp ont décidé de relever à Djibouti.

Un projet prometteur à suivre !

 
 

Défi de la semaine 1 : Réduire son utilisation du plastique

A Djibouti comme partout, la pollution plastique est omniprésente et défigure le paysage. Jetés dans la nature, ces sachets polluent nos sols et nos océans. Ils bouchent les conduits d’assainissement causant des inondations et sont souvent ingérés par les animaux. Mais si la lutte contre les déchets plastiques a de plus en plus d’échos à Djibouti, l’utilisation des sacs plastiques reste ancrée dans les mœurs.

Que faire ?

Des mesures à court terme pourraient consister à supprimer les emballages en plastiques superflus, à augmenter les capacités de collecte et de recyclage et à promouvoir l’usage de systèmes réutilisables.

A long terme, les habitudes de consommation doivent changer à Djibouti et cela passera énormément par la sensibilisation. Il faut faire participer tous les acteurs : consommateurs, commerçants, producteurs. C’est par une démarche collective que nous pourrons agir efficacement contre la pollution plastique à Djibouti. Retournons maintenant au défi de la semaine : réduire nos déchets plastiques 😉

1. Les déchets plastiques, c’est dans la poubelle.

Sacs plastique, bouteilles, emballages etc…on évite de jeter ses déchets par terre semble qu’ils ne finissent pas sur nos trottoirs, nos bords de route et nos plages. Saviez-vous que le temps nécessaire est à la décomposition d’un sac plastique est de 400 ANS ? Cela fait réfléchir…

Une pensée aux agents de propreté à Djibouti, pour la plupart des femmes, qui sillonnent la ville souvent en pleine nuit, pour garder nos trottoirs propres.

2. On refuse le sac plastique

 

Refuser et ne pas demander le sac plastique à l’épicerie du quartier ou au supermarché de la ville. On propose même un sac plastique à l’achat d’UN SEUL article comme une bouteille d’eau.

C’est à nous, consommateurs, de changer d’abord nos habitudes en refusant le sac plastique proposé. Mais aussi de sensibiliser en même temps les commerçants en leur expliquant la pollution plastique. Vous verrez qu’avec un sourire et une approche bienveillante, les gens seront réceptifs.

 

3. Les couverts en plastique ? C’est non!

Au restaurant ou pendant les fêtes, dites non à la paille, à la cuillère et au gobelet en plastique. Pour ceux qui carburent au café, optez pour une gourde isotherme 😁. En inox, elles ont l’avantage d’être légère, résistante en plus d’être écologique.

4. Utiliser un sac réutilisable

Maintenant que nous avons refusé le sac en plastique, comment alors dois-je transporter mes courses ?

Alors pour commencer si vous avez les sacs en plastique réutilisables des commerces, conservez les pour faire vos prochaines courses avec. Sinon vous pouvez utiliser des sacs en tissu, des sacs filets pour vos courses en magasin. Au marché, vous pouvez utiliser un carton ou notre traditionnel panier en osier pour vos fruits et légumes. Les solutions ne manquent pas mais demandent juste une légère organisation.

Petite astuce : Veillez à garder 1 ou 2 sacs dans votre voiture au cas où.

 

Saharla : Quand artisanat et écologie font bon ménage à Djibouti

S’il y’a une chose qui n’a jamais changé à Djibouti : ce sont ces femmes artisanes installées près de la rue Marchand. Gardiennes de savoir-faire ancestraux, elles tissent le raphia et perpétuent ainsi l’artisanat local. Un secteur qui mériterait d’être encouragé à Djibouti en renforçant notamment l’économie locale et en valorisant une approche éthique et écologique. Toutes les femmes que j’ai rencontrées avaient chacune une histoire mais je vous raconte aujourd’hui celle de Saharla. 

Saharla, une vie à servir la vannerie

Saharla Hassan vient de souffler ses 63 bougies. Installée à même le sol, la tête penchée sur son ouvrage, difficile d’apercevoir son visage du premier regard qui est dissimulé sous un grand parasol, la protégeant ainsi du soleil. Sans artifice, vêtue d’un grand châle qui enveloppe tout son buste, elle reflète la simplicité élégante des femmes djiboutiennes.

Cette place, c’est à la fois son atelier et sa boutique, elle y passe des heures à tresser les feuilles du palmier, variété la plus répandue à Djibouti. Elle en fait des trésors uniques exposés devant elle, à la vue des passants. Des paniers, des sacs, des plateaux, des accessoires déco, elle fabrique des produits d’artisanat uniques, utiles, durables et écologiques. Saharla maîtrise ce qu’on appelle l’art de la vannerie. Il y’a quelques jours, elle a accepté de répondre gentiment à mes questions sur son métier de vannière.

En quoi consiste ton métier ?

Je tresse les branches du palmier pour créer des objets que je vends. Les feuilles de palmier branches que j’utilises proviennent de la région d’Obock où cet arbre est cultivé. Les branches sont récupérées, séchées, découpées et enfin vendues 500 francs djiboutien (environ 2,5 euros). Je commence d’abord par tisser le disque qui constitue le fond du sac et généralement je finis un sac moyen en une journée. Pour confectionner ce grand panier par exemple, j’ai utilisé 3 bottes de feuilles.

Je colore également les branches du palmier avec de la teinture pour décorer et embellir les créations. Ces sacs et paniers sont très résistants. Regarde celui-ci, tu pourras l’utiliser pendant des années et il restera intact.

 

D’où vient ta passion pour la vannerie ?

Aussi loin que je me souvienne les femmes de mon village pratiquaient cette activité. Elles tissaient le raphia pour en faire des objets qu’elles vendaient sur les marchés de Djibouti. Lorsque je me suis mariée, j’ai naturellement emboité leurs pas et décidé de devenir artisan comme ces femmes qui m’ont d’ailleurs tout appris. De plus, grâce à cette activité j’aidais feu mon mari, qui travaillait aussi à l’époque, pour subvenir au besoin de notre famille.

Depuis combien d’années fais-tu ce métier d’artisan ?

Ça doit faire une vingtaine d’années, plus, je m’en rappelle plus exactement. Mais j’ai toujours fait cela. Je me rappelle que j’ai commencé l’artisanat et la vente de ces créations lorsque j’étais enceinte de ma 2ème enfant. J’ai eu 6 autres enfants après cela. Aujourd’hui, mes enfants ont eu des enfants à leur tour et je continue toujours cette activité.

Les produits se vendent bien ? Arrives-tu à vivre de cette seule activité ?

À peine. Ils nous arrivaient de vendre pour 30 000 milles francs à 40 000 milles francs en UNE seule journée, à l’époque. Maintenant, nous gagnons la même chose difficilement en 3 mois. Je suis veuve, j’ai eu 8 enfants dont 6 qui sont toujours vivants. Une de mes filles et 3 de mes petits enfants vivent actuellement avec moi. Il est difficile de vivre avec le peu que je gagne ici surtout avec toutes les charges à payer. Mais je remercie Allah en toute circonstance.

Qui sont tes clients habituels ?

Au début de mon activité, la plupart de nos clients étaient les touristes ou les étrangers de passage à Djibouti qui apprécient les créations artisanales. Aujourd’hui, j’ai plus de clients djiboutiens mais les grosses commandes se font plus rares. Elle nous avouera également la pénibilité du travail de la vannerie. « C’est fatiguant, surtout pour les yeux mais je me sens bien, j’ai encore la santé pour continuer ce métier ».

Aimerais-tu transmettre ton savoir-faire ?

Oui j’aimerais bien mais les jeunes ne veulent plus faire ce métier et trouvent ce qui a attrait l’artisanat comme « démodé ». Mais c’est tellement important car cela fait partie de notre patrimoine culturelle et devrait être préservé. C’est également une alternative à ces sacs plastiques que l’on trouve partout. Il y’en avait pas autant à l’époque.

L’avenir de l’artisanat local et écologique à Djibouti

Aujourd’hui la demande citoyenne en matière d’écologie est de plus en plus présente. On observe une tendance qui prend de l’ampleur petit à petit : celle du retour au naturel. Et elle concerne tous les domaines : agriculture, cosmétique, bien-être, etc. Une partie de la population est à Djibouti est ainsi à la recherche d’une alternative écologique et durable à leur mode de consommation actuelle et l’artisanat local peut être la solution.

Il faut pour cela valoriser le travail des artisans comme Saharla. Il y’a déjà eu la tenue d’exposition-ventes de produits artisanaux organisées par le ministère de la Femme et de la Famille et de l’Union Nationale des Femmes Djiboutiennes en ce sens.

Aujourd’hui le marché des chats en ligne a explosé à Djibouti. Il faudrait donc booster leur visibilité sur Internet et les réseaux sociaux notamment par une bonne communication et un marketing digital. La création d’un annuaire Web dédié aux artisans à Djibouti serait un atout. La mise en place d’ateliers d’immersion animés par les artisans à tous les curieux serait un excellent moyen de partager la richesse de l’artisanat djiboutien. Ces ateliers permettraient aussi aux artisans de transmettre leur savoir-faire et pérenniser leur art. Avec un bon accompagnement, l’artisanat peut devenir une véritable force économique à Djibouti. Ce secteur plein d’avenir devrait être ainsi intégré dans les efforts du pays en matière d’écologie et de développement durable.

 

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