Notre média a eu l’opportunité de participer au projet ’22’ organisé par Liverpool Arab Arts Festival et d’avoir représenté Djibouti. Le projet réunit 22 artistes des pays de la Ligue arabe qui partagent leurs histoires, leurs réflexions et leurs expériences face au changement climatique, comme réponses à la COP26. L’occasion pour Amina, notre rédactrice, d’évoquer son parcours vers l’écologie, de l’importance d’une émergence collective citoyenne et de la difficulté des africains à se créer une place dans les débats liés au climat.
Certaines passions ne se discutent pas. Elles rendent heureux, réconfortent et partagées avec les autres, elles favorisent les liens sociaux. Mes passions à moi, je les ai hérités volontiers de mon papa.
Mon père a été professeur pendant presque toute sa carrière. Passionné et très pédagogue, il a toujours été un grand féru de lecture. Nous avons, moi et mes frères et sœurs, baignés dans cet univers remplis de fées, de monstres et d’aventures depuis notre enfance. Petite, on se réunissait tous dans une chambre pour lire, avec chacun un livre en main, juste avant la sieste de l’après-midi. Un moment de complicité et de partage qui était devenu au fil des années, en quelque sorte, un rituel familial.
Grand fan de Nicolas Hulot, de Yann Arthus Bertrand et de National Geographic, mon père aime énormément la nature, les animaux et les grands espaces. J’ai ainsi pris l’habitude de regarder avec lui des documentaires sur la gestion des parcs animaliers, les profondeurs des océans, le sauvetage des dernières girafes au Kenya, la cohabitation des grands carnivores avec l’homme, la fonte des glaciers, la protection des forêts ou encore l’impact de la mondialisation sur l’environnement…Autant de documentaires qui nous émerveillent, nous faisaient voyager, expliquaient un sujet compliqué d’une façon toute simple mais qui nous assurent surtout de jolis moments en famille.
Une transmission, qui s’est faite en douceur, jamais sous la contrainte. Grâce à ma famille, ma passion pour les lettres et mon intérêt pour les sujets environnementaux ont fait un peu partie de ma vie. Puis quand est venu le temps de choisir un métier, je me suis orientée tout naturellement vers le métier d’ingénieure en énergie et développement durable. Un métier m’a permis d’ouvrir les yeux sur de nombreux sujets comme le développement durable ou les énergies renouvelables et qui a surtout renforcé mon intérêt pour l’écologie. Aujourd’hui, ce sujet fait partie intégrante de ma vie, encore plus maintenant que j’ai des enfants. J’essaie aujourd’hui à ma petite échelle d’être plus responsable et écolo dans mes comportements. Et c’est par une envie de partager mon cheminement et toutes les réflexions autour, qu’est née avant tout, l’idée du blog Écolo à Djibouti.
Il y’a aussi ce sentiment qu’à Djibouti et partout en Afrique, l’écologie est un sujet trop souvent confiné dans un cadre, incapable d’atteindre toutes les couches de la population. L’idée était alors de toucher le grand public d’une façon simple pour les sensibiliser à l’un des grands défis du 21ème siècle : celui du respect de l’environnement. De l’information liée au développement durable aux conseils pour réduire ses déchets, Écolo à Djibouti se veut un blog simple avec des articles accessibles et des idées à la portée des individus. Le plus important étant d’informer de manière fiable les citoyens de tous âges pour susciter, peut-être un éveil de la conscience écologique.
L’individuel mène au collectif…
L’écologie est une conscience vis-à-vis de ce qui nous entoure, de la fragilité du monde dans lequel nous vivons et de l’urgence d’en prendre soin. Le partage d’informations est de ce fait un levier important qui informe et sensibilise afin d’initier chez les citoyens un réel changement de perception vis-à-vis de l’environnement. Mais ce n’est pas suffisant malheureusement. En effet, la conscience écologique ne peut naître du seul constat que la vie sur la planète terre est fragilisée. Elle doit être accompagnée d’un changement de comportements de toute la société.
« On sait bien que le changement climatique, c’est grave, mais on ne peut rien faire ».
La posture qui consiste à ne rien faire sous prétexte qu’il y a bien pire que nous sur l’échelle des agresseurs de la planète est vaine. Or il faut agir. Maintenant. Je reste persuadée qu’il faut cesser d’attendre que les changements viennent de l’extérieur et réfléchir ensemble à tout ce qu’on peut commencer à faire dès aujourd’hui. Il n’y a pas de petites actions, elles comptent toutes et permettent à chacun de réduire son empreinte environnementale. Des petits gestes qui, mis bout à bout, font bouger les choses à plus grande échelle.
Peu à peu, de plus en plus de personnes, également sensibles à l’écologie et à la protection de la nature ont émis le désir de rejoindre la démarche portée par le blog. C’est la raison pour laquelle est né le mouvement Écolo à Djibouti qui est venu enrichir le média existant. Il entend fédérer et mobiliser l’ensemble des acteurs de la société pour l’environnement afin de favoriser l’émergence d’actions collectives. Le mouvement souhaite aussi mettre en lumière les initiatives de leurs concitoyens. A travers les articles, les lecteurs et lectrices découvrent les nombreuses initiatives qui naissent chaque jour à Djibouti pour favoriser un développement durable. L’occasion de les soutenir, s’en inspirer et d’amplifier leur impact.
Je pense qu’une attention particulière doit être accordée aux jeunes, acteurs de la transition écologique de demain. L’éducation à l’environnement à un grand rôle auprès des plus jeunes pour leur donner l’envie de préserver leur environnement et adopter dès maintenant des comportements éco-responsables. Je donne régulièrement des cours bénévoles à des lycéens à Djibouti. Une initiative que l’on souhaite étendre à d’autres établissements scolaires à travers le mouvement. C’est en formant les jeunes qui seront les acteurs du monde de demain, que l’on peut changer durablement les mentalités.
Faire entendre la voix de l’Afrique et des africains
A Djibouti comme partout en Afrique, des actions citoyennes s’inventent et prennent tout doucement. Pour se déployer efficacement, elles butent néanmoins sur des limites et des difficultés : manque de légitimité, de coordination, de visibilité, de difficulté à étendre les projets…Elles sont pourtant essentielles dans la mesure où la transition écologique nécessite une réponse collective de tous les acteurs : les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les citoyens. Il est donc important que les Etats africains intègrent la participation des citoyennes et des citoyens dans le cadre des décisions publiques à fort impact environnemental.
En Afrique, l’action citoyenne serait la plus intéressante dans la sensibilisation du grand public. En effet, encore trop peu de personnes sont sensibilisées aux problématiques environnementales qui touchent le continent et qui menacent ses habitants. Beaucoup d’Africains savent par exemple que des incendies ravagent la forêt en Amazonie, mais peu savent que des millions d’hectares de forêt disparaissent chaque année dans le bassin du Congo. Avec un meilleur accès à l’information, ces populations seront alors en mesure, de se réapproprier leurs richesses naturelles et de mieux les préserver.
Mais si les autorités africaines accordent peu d’espace de discussion à la question environnementale, sur la scène internationale, la situation n’est pas mieux où l’Afrique et les communautés indigènes les plus touchées, sont ignorées. Ces populations vulnérables qui sont pourtant en première ligne face aux conséquences du changement climatique, ne sont presque jamais à la une des journaux du monde entier. En août 2021, alors que les médias occidentaux avaient tous les yeux rivés sur les inondations dans le sud de l’Allemagne ou en Belgique, les inondations meurtrières au Niger n’ont fait l’objet que de très peu de couverture.
Et ce manque de couverture médiatique s’étend plus loin avec, notamment, les activistes africains qui ont encore du mal à trouver de l’espace pour s’exprimer. Ils ne manquent pourtant pas d’initiatives dans la lutte contre le réchauffement climatique mais leurs voix portent peu dans le bal des grands sommets mondiaux autour de l’environnement. Le traitement médiatique de la jeune activiste ougandaise, Vanessa Nakate en est un parfait exemple. Près de deux ans après avoir été coupée d’une photo où elle posait avec Greta Thunberg, elle a été une fois de plus, évincée d’une photo au côté de l’activiste suédoise en pleine COP26. Cette invisibilisation de l’Afrique dans les revendications écologiques s’inscrit dans un système où les problèmes climatiques sont considérés comme “des problèmes de Blancs” et où la parole des personnes noires est constamment dévalorisée.
Mais qui est-ce qui amplifie déjà leurs voix dans leurs propres pays ?
Au-delà des exclusions médiatiques, les activistes africains sont bien moins représentés dans les débats sur le réchauffement climatique parce qu’ils affrontent davantage de problèmes que leurs pairs pour y prendre part. Financements limités, manque d’accréditation et surtout un manque de soutien de leurs États limitent la participation de la jeunesse la plus exposée aux effets du changement climatique. Les États africains manquent alors bien souvent de capacités techniques pour négocier sur un pied d’égalité avec leurs partenaires du Nord. Que peuvent-ils faire ? Beaucoup, mais en premier lieu, ils devraient fournir à leurs citoyens et citoyennes toutes les clés pour comprendre et agir en faveur de l’environnement. Les politiques doivent surtout s’appuyer sur la force de l’engagement citoyen dans la transition écologique. Ils seront plus à même de réclamer plus d’actions de la part des pays du Nord et de peser sur les décisions politiques environnementales sur la scène internationale.
Cela suffira-t-il pour changer la donne ? Une chose est sûre : si on n’essaie pas, ça ne marchera pas !