Pour célébrer le 8 mars, la journée des droits des Femmes, Ecolo à Djibouti met à l’honneur les femmes de l’ombre, celles que l’on croise au quotidien et dont on ne parle jamais.
Il est 21h du soir. Depuis la route de Venise, plusieurs silhouettes se distinguent. Une dizaine de femmes sont en pleine activité sur le côté de la route, depuis déjà quelques heures. Elles sont employées à l‘Office de la voirie de Djibouti (OVD). Mais contrairement à leurs collègues masculins, elles ne conduisent pas une benne, elles n’y déversent pas non plus les poubelles mais leur métier appartient au même monde du nettoyage : elles sont balayeuses de rue.
Elles font partie de la nouvelle cohorte d’agents de nettoiement venue renforcer les rangs du personnel technique depuis 2009 à Djibouti. Balais brosse en mains, munies de leur combinaison orange fluo, de gants et d’un masque, les balayeuses de rue arpentent une bonne quinzaine de kilomètres par jour. Sur le terrain, elles interviennent en équipe et toujours sous la responsabilité d’un encadrant chef d’équipe. 6 jours sur 7, elles sillonnent les rues, selon un itinéraire précis, pour débarrasser les souillures des habitants, des commerçants et des restaurateurs Djiboutiens.
Et l’histoire derrière la création de cette brigade féminine de la propreté est encore plus hallucinante. Nous sommes en novembre 2006 et Djibouti-ville s’apprête à abriter durant deux semaines le 11ème Sommet des chefs d’États et de gouvernement du COMESA. Près de 300 agents techniques – femmes sont alors embauchées très rapidement par les services de la voirie. Elles donnent un grand coup de balai sur les grands axes de la ville et se chargent de maintenir les rues de l’agglomération propres pendant toute la durée de l’événement.
Et leur travail plait. Beaucoup. La ville respire après leurs passages quotidiens. Les allées et les trottoirs, habituellement jonchés de sacs plastiques, cartons, papiers, sont désormais propres. Ce qui ne devait durer que quelques jours, se transforma alors en un vrai emploi. En effet, les 300 femmes intègrent officiellement les services de la voirie de Djibouti en 2009, grâce notamment à un coup de pouce du gouvernement.
Un métier difficile
Lorsque les rues ne sont pas balayées, les débris et les ordures peuvent s’accumuler à une vitesse alarmante, soulignant la nécessité d’un balayage régulier des rues. Mais si les métiers de la propreté constituent un maillon essentiel dans la bonne gestion de nos villes, leur pénibilité est souvent sous-estimée.
En effet, pour être balayeuse de rue à Djibouti il faut être solide, c’est physique, très physique. Au quotidien, les horaires souvent décalés sont éprouvants. Les balayeuses de rue commencent tôt le matin ou finissent tard le soir. Elles arpentent les rues pendant plusieurs heures, tout en maniant le balai principalement à la seule force des parties supérieures du corps. Terriblement efficaces, les sacs poubelles remplis entreposés sur le côté de la route en attente du camion-benne sont seuls témoins de leur passage. Le rythme des tournées, les gestes répétitifs, la circulation routière et le travail de nuit rendent physique et pénible le travail surtout à la fin de la tournée lorsque des dizaines de kilomètres ont été parcourus à pied.
Difficile par nature, le métier de balayeuse de rue l’est encore plus pendant l’été. Les visages dissimulés sous leur voile pour se protéger du soleil et des nuages de poussière, elles continuent leur travail sous les températures caniculaires.
Mais cela n’empêche pas ces femmes-courages d’effectuer la même tâche fastidieuse tous les jours. Malgré les préjugés, elles ont réussi à se frayer un chemin dans le secteur quasi exclusivement masculin de la propreté urbaine alors même qu’elles sont largement majoritaires dans le secteur du nettoyage domestique à Djibouti.
Invisibles pour beaucoup
Rares sont celles qui ont choisi ce métier par vocation. Ces travailleuses des déchets sont avant tout des personnes issues des milieux populaires. Leur recrutement s’est d’ailleurs fait dans le cadre d’un dispositif d’insertion sociale du gouvernement. L’initiative appuyée par des structures associatives féminines Djiboutiennes, visait à accompagner les femmes en situation de précarité vers l’emploi.
Main-d’œuvre non qualifiée, le salaire d’une balayeuse de rue a tendance à être bas face à l’étendue de leurs labeurs exténuantes. Et si elles ont beau être endurcies à l’odeur que dégagent les ordures et aux exigences physiques que requiert leur emploi, elles n’en rêvent pas moins d’avoir un poste valorisé socialement. Car si nous côtoyons tous régulièrement ces femmes, nous sommes loin de mesurer l’importance de leur action pour vivre dans une ville propre.
Les balayeuses, elles aussi savent aussi que leur métier est déconsidéré par la plupart des Djiboutiens. Les gens ne les regardent pas, ne leur disent pas bonjour. Comme une impression qu’elles font partie du mobilier urbain. Une indifférence généralisée qui vire parfois à l’incivilité avec des passants qui jettent leurs mégots et leurs emballages aux pieds de ces femmes, alors même qu’elles sont en plein travail. Des incivilités qui ont de quoi révolter !
Il est donc impératif que les mentalités changent et que les Djiboutiens fassent preuve davantage de civisme. Car si on dit que Djibouti est sale, elle ne se salit pas toute seule ! La loi doit également devenir plus stricte contre les auteurs d’incivilités. Ce serait le meilleur hommage à toutes ces femmes qui maintiennent notre ville propre pour qu’on y vive mieux tous ensemble.